D’après un sondage réalisé pour l’association Mémoire traumatique et victimologie, les idées fausses sur le viol sont encore largement répandues chez les Français.
Un sondage Ipsos pour l’association Mémoire traumatique et victimologie (à lire car très intéressant) publié ce mercredi vient confirmer que la culture du viol est largement répandue dans la population française. Plusieurs stéréotypes restent profondément ancrés dans la population, selon cette enquête réalisée via internet du 25 novembre au 2 décembre 2015, auprès d’un échantillon de 1 001 personnes représentatif de la population française âgée de 18 ans et plus, selon la méthode des quotas.
Premier problème : nombre de Français (61%) et de Françaises (65%) considèrent ainsi qu’un homme a plus de mal «à maîtriser son désir sexuel qu’une femme», selon le sondage. «C’est le mythe sexiste d’une sexualité masculine naturellement violente, pulsionnelle et prédatrice», dénonce l’association dans cette première photographie des représentations sur le viol et les violences sexuelles.
Trop souvent encore, «la victime, c’est la coupable»
Certains stéréotypes semblent particulièrement ancrés chez les jeunes : près d’un tiers (30,7%) des 18-24 ans assurent que «les femmes peuvent prendre du plaisir à être forcées lors d’une relation sexuelle». Une opinion qui pourrait être corrélée à la banalisation de la pornographie sur internet, affirme l’association.
Si la quasi-unanimité des Français-e-s (96%) qualifient à juste titre de viol le fait de forcer une personne qui le refuse à avoir un rapport sexuel, 24% considèrent par exemple qu’une fellation forcée relève de l’agression sexuelle, non du viol. Ce que contredit la définition de ce crime dans le Code pénal : «tout acte de pénétration sexuelle, de quelque nature qu’il soit, commis sur la personne d’autrui par violence, contrainte, menace ou surprise, est un viol».
«Elle l’a bien cherché…»
De même, les notions de contrainte et d’emprise sont mal reconnues. Plus d’un Français sur quatre (26%) juge que lorsque l’assaillant menace sa victime et qu’elle ne résiste pas, ce n’est pas un viol mais une agression sexuelle.
Flirter, adopter une attitude séductrice, accepter d’aller seule chez un inconnu, constitue aussi pour plus d’un quart des Français-e-s (27%) un motif de déresponsabilisation du violeur, sur le mode «Elle l’a bien cherché…».
Une proportion non négligeable (17%) estime aussi que forcer sa conjointe à avoir un rapport sexuel alors qu’elle le refuse n’est pas un viol. Car le mythe du «vrai viol» perdure (à l’extérieur, sous la menace d’une arme, par un inconnu, à l’encontre d’une jeune femme séduisante…) et traduit une méconnaissance de la réalité statistique des viols : dans 90% des cas, les victimes connaissent leur agresseur. 58% des viols sont perpétrés dans le couple et, pour les mineurs, 53% au sein du cercle familial. Plus de la moitié des sondés (55%) jugent à tort que l’espace public est le plus dangereux.
Des statistiques sous-estimées
Le nombre annuel de viols est aussi sous-estimé : 41% des Français le situe entre 10 000 et 50 000. En réalité, la moyenne observée ces cinq dernières années fait état de 98 000 viols ou tentatives de viol, dont 14 000 sur des hommes. En tenant compte des mineurs, premières victimes des violences sexuelles, «on arriverait sûrement à un chiffre supérieur à 200 000», selon l’association.
Les Français estiment que 25% des victimes portent plainte. Elles ne sont en fait que 10%. Enfin, les sondés considèrent que certaines victimes accusent à tort leur agresseur, pour se venger (32%) ou pour attirer l’attention (23%). «Ce mythe est tenace. Ce sont les seuls crimes ou délits pour lesquels on soupçonne a priori la personne qui s’en déclare victime», s’émeut la présidente de Mémoire traumatique, la psychiatre Muriel Salmona.
Article source : Libération
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